merci à Anne BRUNNER pour la photo      
         
 

je devais avoir 25 ans et j'ai conçu cela, écrire un livre qui soit vivant, où mes personnages quitteraient enfin la dimension symbolique que je leur avais prêté tout au long de mes romans

cela m'a pris une vingtaine d'années encore pour que le world wilde web soit l'endroit de ma traduction de la VIE

     
         
 

lorque mon premier roman a été publié, en 1984, j'avais trois angoisses : que l'on me demande de quoi parle mon livre et si c'était autobiographique, que l'on découvre à travers ce que j'avais écrit ce que je vivais secrètement, et que l'on me propose de passer chez Bernard PIVOT, à Appostrophes

le temps est révolu où parler de soi devait se faire de manière détournée et mal vue, le temps est révolu que des médias et des êtres aient le monopole de l'avenir de nos oeuvres

nous nous émancipons doucement et nous rappelons au système que c'est NOUS qui SOMMES, que la VIE, c'est NOUS, parce que c'est lui qui devrait être à notre service et pas l'inverse

     
         
 

lorsque Anne BRUNNER a pris l'appareil photo, elle a dit : "est-ce tu aimerais avoir la photo d'une femme émancipée ? "

j'ai mis un temps à réagir, elle voulait dire que mon petit bonhomme de Louka était à la garderie, mon enfant était parti de moi, ailleurs, dissocié, défusionné

c'est bien d'avoir choisi cette photo de moi " émancipée ", parce que mettre mon oeuvre dehors, la dissocier de moi, la défusionner, cela m'a pris longtemps, il me fallait y être prête pour le commencer, et seulement le commencer

" j'admire ton courage à te livrer ainsi, à mettre ton âme à nu " m'écrit Brigitte GERMAIN

ce courage m'a pris un temps à vous décourager plus d'une fois ...

     
         
 
vendredi 7 octobre 2005, 22h20
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un travail qui a pris entre 11 et 20 ans se regarde forcément depuis plusieurs angles

jeune, je me disais que je serai un penseur du prochain siècle, mes thèmes étaient déjà l'identité, l'évolution d'un parcours et la notion de biographie, la quête, puis la rencontre, de l'Autre

lorsque j'ai entamé mon travail autour de l'Amante de RIMBAUD, je ne voyais que son aspect sexuel, et même pornographique ( à l'époque, son contenu résonnait d'une façon que je jugeais pornographique, puisque tous ces livres traitant de sexualité n'étaient pas encore sortis )

plus tard, en utilisant des données de physique quantique, je n'ai vu plus que son aspect travail de recherche, presque proche des chercheurs de C.N.R.S., que d'ailleurs je voulais rencontrer (mais la honte de dire des bêtises m'a retenue)

aujourd'hui, je dirai qu'il m'a été donné de vivre au fond de ma chair, et pas seulement dans la littérature, une expérience qui ressemble à une régénération de la vision de l'espace-temps, qui nous touche tous, puisque cela fait un certain temps que nous sommes tous travaillés, à grande échelle, par cette régénération de notre conscience de l'espace-temps, de notre conscience de l'humanité-individu

la sexualité n'est que le moyen de me l'être appropriée, d'en avoir fait une expérience personnelle et vivante, et presque attractive au regard des autres

je viens de lire dans un livre (Krom, éd Ariane, p 245) :

" En réalité, c'est parce que vous venez du futur et non du passé, comme on vous l'a fait croire. En réalité, le présent est formé par une chaîne d'ondes de particules causales en provenance du futur qui forment et conçoivent votre vie, votre origine essentielle "

c'est exactement cela qu'il me semble avoir exploré :

en rencontrant Olivier, j'ai rencontré mon futur, et ce futur m'a ensemencé de sa quintessence, et je n'ai eu de cesse de trouver le chemin qui mène à cette quintessence, et cette quintessence s'est précisée, s'est matérialisée au fur et à mesure de l'avancée

d'ailleurs, cette quintessence est venue à mon contact depuis longtemps déjà, et régulièrement je me fie à elle, elle me sert de cap, de guide, je sais que ma vie c'est "ça" et je cherche le chemin qui y mène, et ce "ça" se remplit, se colore, se densifie, et ainsi LE FUTUR DEVIENT PRESENT

c'est comme si nous avions déjà un plan pour notre vie, nous sommes juste créatifs du chemin pour accomplir, réaliser ce plan

c'est pour cela que j'ai souvent utilisé la notion de puzzle pour en parler : le puzzle existe, avant même sa reconstitution ; mon oeuvre-vie existe, avant même ma vie

c'est pour cela aussi que j'ai mis cette photo avant celle-là

alors qu'elle arrive quelque 7 ans plus tard dans ma vie

le visage était déjà là, le désir de maternité, la conscience d'une certaine femme, mais l'homme n'était pas au rendez-vous, et ma femme non plus ... il me fallait attendre 7 ans pour commencer à être vraiment celle-là

 
     
 
mardi 25 octobre 2005, 17h43
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le 29 Octobre 2005, Marc MERCIER présente aux Instants Video le film que Giney AYME a réalisé à partir d'un livre unique de Anne ASTIER

ce livre a été filmé à l'occasion de la parution d'un n° de la revue Incidences sur le thème du baiser
c'est Giney AYME et non Anne ASTIER qui y participe, Giney filme puis rephotographie sur l'écran le travail de Anne
suivent des expositions de Giney, et la projection de la video

le disque dur sur lequel est stocké le film d'origine est perdu
le 27 août 2004, Giney refilme le livre sans parvenir toutefois à retrouver le bon acte, la bonne image
il mêle ce deuxième film à ce qui lui reste du premier
le film devient : COMME EN PLEIN JOUR

Giney ignore le vrai travail de Anne lorsqu'il pose ces actes ; il ne sait pas que Anne doit faire ressurgir ce travail autour du 2 novembre 2005
lorsque Marc MERCIER programme COMME EN PLEIN JOUR pour les 29 octobre et 11 novembre 2005, il ne sait pas non plus

les choses sont ainsi : les êtres SAVENT, malgré eux, CE QUI FAIT PARTIE DU PLAN

   
       
 
mardi 1er novembre 2005, 19h28
   
       
 
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2 Novembre 2005

Anne m'a fait aujourd'hui un cadeau par l'alphaposte. C'est peut-être justement à cause de ce cadeau que l'envie s'est déclenchée spontanément en moi-même de commencer un journal. Certaines choses sont transmissibles, d'un être à un autre, par perméabilité. Il faut dire que je me défends bien moins de cette perméabilité aujourd'hui qu'il y a onze ans. Il faut dire surtout qu'à cette époque, le monde était tellement affecté, que nous ne pouvions que nous préserver de tout. Aujourd'hui bien sûr, mes peurs ne sont plus les mêmes. Ce sont les bienfaits de grandir. Oserai-je même dire : de vieillir. J'entre tout juste dans ma quarantième année. Est-ce innocent, est-ce sans lien avec ce cadeau inattendu ? Peut-être a-t'elle seulement senti que le temps nous avait rendu la virginité de l'expérience, avait réparé sans nous nos désordres, notre incapacité à être totalement juste devant ce qui arrive. Avec le temps on trouve toujours la justesse du regard que le vécu refusait. Et c'est ce cadeau qui me permet d'en évaluer les écarts, les comblements, le travail du temps, le résultat de la vie. Toutes ces pages devant moi, entre mes mains, à soupeser, à frôler du doigt, absorber du regard, tout cela qui est à la fois papier et tranche de vie, inscrite à même la mémoire de la chair. Je n'ose pas vraiment ouvrir la porte qui me livrera le passage étroit vers cette vaste retenue de mon passé. C'est pourtant tout près de moi, à portée de vue et à portée de main. Je l'ai déposé sur mon bureau. J'ai repris l'écriture d'un article à propos du deuxième film de Hans Dieter. Il me semble entrevoir de nouvelles perspectives pour le jeune cinéma. Cette ouverture vers devant cotoie aujourd'hui précisément cette autre ouverture vers derrière. Et moi, entre les deux, en fragile équilibre au présent de ce jour. Je m'interroge encore sur ces faux hasards de ma vie qui construisent des directives dont on ne sait que plus tard si elles sont erronées ou justifiées. J'ai besoin d'un peu de temps pour moi. C'est sans doute autant pour me détendre que pour me concentrer que je viens d'entamer cette toute nouvelle relation au papier qu'est l'écriture d'un journal. Je ne sais pas pour combien de temps. C'est un espace ouvert. Sans contrainte d'existence et encore moins de durée. C'est un instant de partage avec Anne, un fragment d'intimité qui n'engage pas le réel. C'est la rejoindre sans risque, lui parler libremement. C'est mon secret dont je ne suis pas tenu de rendre compte. Pas même à elle. Je ne sais pas ce qui m'attend à l'autre bout de ce paquet posé sur mon bureau. Je suis aussi innocent devant lui que je pouvais être innocent devant elle à notre première rencontre. Dans l'ignorance de ce qui vient à soi. Dans la prescience aussi, pourtant, de la force retenue dont on capte malgré tout la densité de l'impact, en pouvoir évident et incontournable. Une onde de choc ressentie avant le choc. Dans quelques heures ou quelques jours, le choc me cognera de sa réalité. Il me suffit de surprendre négligemment une phrase, poser négligemment mes yeux sur une photographie, pour que me heurte déjà quelque chose du choc.
Il y a dans les secrets que l'on ouvre un ressort terrible. Une force incontrôlable. On croit savoir, on croit connaître, et un secret inattendu bouleverse tout ce que l'on croyait, défigure le champ d'un tir de mine. Je me sens ce champ prêt à la défiguration d'un tir de mine. C'est toute mon histoire qui s'offre en sacrifice à ce paquet de papier. J'ai envie de me laisser étonner par cette femme que je n'ai pas comprise à temps. J'ai envie de faire ce pas à la fois devant comme derrière. Ce pas immobile de l'homme que je suis devenu à ce jour, à ce moment de conscience en surcis d'une nouvelle mouvance. J'étire mes jambes. Je ferme les yeux. Je fume une cigarette. Feuillette mes notes à propos de Dieter. Accorde encore un pincement de coeur en regardant vers le paquet reçu ce matin. Me laisse envahir par une bouffée de chaleur venue du plus profond de moi.

 

Cher Matthias.

J'ai longtemps hésité, bien sûr. Je ne mesure pas vraiment la portée d'action de mon geste. Peut-être n'en a t'il aucune. Peut-être au contraire sera-t'il bouleversant et surprenant, bien au-delà de toute mon anticipation. Je te laisse libre de son pouvoir sur toi. Je te laisse libre de consommer ou de rejeter. Je répare seulement un manque à notre histoire commune. Je le fais pour moi. Ce qui sera fait pour toi t'appartient. Je ne peux pas en décider. J'ose seulement espérer que mon geste trouvera dans ta réalité une résonance juste, quelle qu'elle soit. J'ignore jusqu'à quel point tu m'as oubliée, ou bien jusqu'à quel point je suis encore vivante en toi. J'ignore tout, et c'est justement par toute cette innocence que je trouve le courage, aujourd'hui, de te préparer ce paquet d'un bout de ma vie dans lequel tu reconnaîtras ta trace. Volontairement, ou involontairement, je l'ai laissée se sédimenter.
On ne sait jamais très bien, lorsqu'une graine est semée, si elle est morte en terre ingrate ou si elle est devenu vivace et florissante.
Ce que j'ai semé, je n'en ai pas toujours eu la pleine conscience. Peut-être ai-je seulement éprouvé le besoin de revisiter le champ de ma semence, et c'est ce qui me fait oser le risque effroyablement merveilleux de t'écrire.

I kiss you, my soul lover brother, my anyhow slice of life. Anne.

   
 
   
 
mercredi 2 nov 2005, 23h54
   
 
   
 
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